Canelli, la "Porte du Monde"

Canelli, la "Porte du Monde"

Itinéraires Urbains

Canelli, la "Porte du Monde"

« Depuis que, tout jeune, à la grille de la Mora, je m’appuyais sur ma pelle pour écouter les propos des désœuvrés qui passaient sur la grande-route, les petites collines de Canelli sont, pour moi, la porte du monde ».

(Cesare Pavese, « La Lune et les feux », traduit de l’italien par Michel Arnaud, revisionne par Mario Fusco, Édition Gallimard 2008)

Pour Cesare Pavese, Canelli représentait une frontière, l’ouverture vers un monde lointain, au-delà de la vallée du Belbo entre la Langa d’Alba et celle d’Asti: les collines se fondent ici en mille échappées différentes sur quelques morceaux de terre, où se mêlent le vert foncé des châtaigniers et des chênes aux gorges profondes creusées dans le tuf bleu des torrents primitifs, sur les douces formes rondes des collines, aux rangs de vigne soutirés aux rives escarpées par les anciens et peignés selon un dessin géométrique parfait et sur les terres rouges argileuse et compacte, plus appropriées à la fabrication des briques qu’au travail exténuant des cultures.

 MG 6612 Canelli Sito
001 Langhe Canelli Marcobadiani Sito
Canelli est une terre de confluence de l’histoire, en opposition permanente entre les usages de la tradition et la recherche de la modernité : ce n’est pas un hasard si, ici, en 1850, Carlo Gancia adapte la méthode champenoise au vin Moscato, réalisant le premier vin mousseux italien et marquant le début de la révolution technologique de la fermentation en bouteille.

Un passé et un présent toujours en équilibre, entre restes anciens et constructions modernes. Ici, l’histoire relève des présences archaïques : les Celtes, les Ligures, les Romains, les Sarrasins, les Lombards, les Espagnols, les Français. Tout le monde est passé par cette vallée, où il y a 2000 ans on cultivait peut-être déjà le Moscato (cépage qui, il convient de le rappeler, s’appelle précisément Moscato Bianco di Canelli). Ces témoignages se trouvent en se promenant à pied dans les anciennes rues à la recherche de mémoires historiques et de sensations inattendues. C’est parfois le soc d’une charrue qui fait apparaitre des traces de l’histoire, découvrant des tessons de poterie et vaisselle, des pierres sculptées et des restes d’anciennes sépultures, comme pour les stèles funéraires et les pierres tombales romaines qui constituent aujourd’hui un petit musée lapidaire passionnant dans l'Église de San Rocco.

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Les fonts baptismaux de l’Église paroissiale de San Tommaso du XVIIe siècle, sont d’origine romaine. Elle fut construite sur un ancien lieu de culte juste au pied de la colline et mérite une visite pour les nombreuses œuvres d’art qu’elle abrite.

La partie historique de la ville, curieusement appelée « Villanuova », est agrippée à la sternìa, la route pavée et raide qui monte jusqu’au château ; il est conseillé de s’y promener sans hâte et de profiter du panorama.   

Le parcours part de la centrale Piazza Camillo Benso di Cavour, adossée au centre historique délimité par la bande que forment les rues qui courent au pied de la colline. On entre donc dans Via XX Septembre pour déboucher sur la petite Piazza Amedeo d’Aosta, où Casa Scarazzini (ou se trouvait au Moyen Age la Mairie et les tribunaux, reconstruite ensuite au XVIIe siècle) sépare Via G.B. Giuliani (où se trouvent deux des quatre Cathédrales Souterraines du Spumante) et Via Rosmini qui, après Piazza Gioberti et Via Garibaldi, nous conduit au point de départ de la sternìa, devant l’Église San Tommaso. Au coin de Piazza Gioberti et Via Garibaldi, le portail baroque de Casa Cornaro est admirable.  

La petite Piazza San Tommaso est assez spectaculaire, avec l’ancienne Confrérie baroque de l’Annunziata (aujourd’hui temple orthodoxe) qui sert de toile de fond à la très raide montée pavée de la Via Villanuova, qui serpente le long vieux village, à travers des virages étroits, des potagers en terrasse, des murs en pierres sèches et des maisons en pierre.

Aujourd’hui, elle a été rebaptisée de façon très perspicace « Via degli Innamorati » (Rue des Amoureux), unissant les petits fiancés classiques de Peynet (réinterprété par divers artistes de la province d’Asti) aux échappées romantiques qu’offre ce quartier, véritable bijou, où l’on respire l’essence même du centre historique.

On arrive ainsi, en remontant tous les virages, à la Piazza San Leonardo, presque au sommet de la colline, avec le magnifique Belvédère et l’Église du même nom, située face à l’Église de San Rocco (1721), petite confrérie construite après une épidémie de peste, exemple d’un baroque léger où la pierre de Langa se marie aux briques rouges des décorations, se fondant dans une harmonie de couleurs très évocatrice. Dans les chapelles latérales de San Leonardo, nous trouvons de nombreuses œuvres d’art d’Aliberti, l’ingénieuse « machine» de Bonzanigo pour la procession de la statue de la Madonna del Rosario et, surtout, les décorations raffinées de la voûte, un parfait exemple de baroque typique d’Asti, qui sont l’œuvre de Carlo Gorzio.

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Au-dessus de la ville, domine la douce masse du Château Gancia (appartenant autrefois aux Scarampi-Crivelli, aujourd’hui propriété de la famille Gancia) remanié, détruit et reconstruit au fil des siècles, qui fut un poste fortifié romain et fief médiéval jusqu’à son aspect actuel de villa. Le château qui est privé et n’est pas ouvert au public, vante un jardin à l’italienne, des passages évocateurs, des appartenances et des murs que l’on peut admirer lors d’occasions spéciales. Derrière le château commencent les vignobles, ceux qui se trouvent en direction du hameau pittoresque de Sant’Antonio et qui donnent le meilleur Moscato, grâce à leur exposition en plein midi. Une petite route longe le côteau de la colline au milieu d’un panorama unique de vignobles, jusqu’à l’énigmatique Torre dei Contini (Tour des Contini) qui se dresse dans l’air pour signaler les anciennes limites de la ville. Les collines environnantes sont racontées dans l’itinéraire Langa du Moscato.

Depuis Piazza San Leonardo, nous montons encore la dernière partie de Via Villanuova jusqu’aux décors peints de l’ancien poste de péage (taxe communale) pour descendre légèrement à gauche dans la ruelle Costa Belvedere et arriver, en peu de temps, au balcon panoramique reculé et magnifique qui donne sur la vallée Belbo.

C’est la «Terrazza degli Innamorati » (Terrasse des Amoureux), point d’arrivée de l’itinéraire et belvédère admirable classé au patrimoine de l’UNESCO.

Depuis la terrasse, vous pouvez ensuite descendre par les escaliers qui serpentent le long des propriétés. Les escaliers débouchent à côté de la petite Église de San Giuseppe : depuis le tournant situé en-dessous (gir d’la mòla), on emprunte via Pietro Micca (mais que tous ici appellent ij piagg - les péages), un autre escalier, chemin raide qui traverse maisons et cours pour arriver sous la grande voute (autrefois porte des douanes) de Via Rosmini. De là, on continue, en descendant, pour arriver, peu après, Via Massimo D’Azeglio (dite 'l gir d’la sparzera) qui longe l’ancien Palazzo Anfossi, siège de la Mairie depuis 1919 et débouche sur Via Roma, en face de ce qui était, autrefois, le Teatro Cinema Balbo dont il reste une partie de la façade, restaurée, sur un édifice aujourd’hui clairement utilisé à d’autres fins.  De Via Roma, en allant à droite, vous revenez rapidement sur Piazza Cavour.

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Les Cathédrales Souterraines méritent d’être mentionnée à part : elles sont au nombre de quatre, dont 3 se trouvent dans le centre historique (Bosca et Contratto donnent sur Via G.B. Giuliani, Coppo sur Via Alba), tandis que Gancia est située après le pont sur le Belbo, à côté de la gare. 

Toujours sur Via Giuliani, nous trouvons le bel édifice du même nom qui abrite l’Enoteca Regionale (Œnothèque Regionale) de Canelli et de l’Astesana avec à l’intérieur l’Office du Tourisme. Au fond de la cour, dans les locaux à l’origine utilisés comme Œnothèque Régionale et qui abritent aujourd’hui un restaurant, se trouve une belle peinture murale d’Antonio Catalano, talentueux génie originaire d’Asti.

Les Cathédrales sont des galeries labyrinthiques creusées dans le ventre de la colline pour obtenir, de façon naturelle, les conditions d’humidité et de température nécessaires à la prise de mousse des vins. Visiter l’une (ou encore mieux toutes) de ces Cathédrales, permet non seulement de voyager à travers l’histoire de l’œnologie piémontaise (entre pupitres et bouchons couronne) et de devenir des experts des techniques et des dénominations françaises souvent obscures (millesimé, pas dosé, brut, etc.), mais surtout de découvrir une autre Canelli, secrète et cachée, presque un voyage à travers le miroir conduisant au centre de la Terre.

« Je m’aperçus alors que tout avait changé. Canelli me plaisait pour elle même, comme la vallée, les collines et les champs qui y débouchaient. Elle me plaisait parce qu’ici tout finissait, parce que c’était le dernier pays où les saisons et non les années de succédaient » (Cesare Pavese, « La Lune et les feux », traduit de l’italien par Michel Arnaud, revisionne par Mario Fusco, Édition Gallimard 2008)

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